Une liste des symptômes est présentée à titre informatif pour chaque trouble mental. Elle ne remplace pas le jugement et l’expérience clinique d’un professionnel habilité à évaluer les troubles mentaux. Voici les troubles mentaux les plus souvent présents chez les futurs parents lors de la période périnatale.
Au cours de la période périnatale, des symptômes de troubles mentaux peuvent se manifester pour la première fois ou être amplifiés chez une femme enceinte qui est déjà affectée par un trouble mental. Il en est de même pour les partenaires.
Les symptômes peuvent renvoyer à différentes conditions (dépression, trouble anxieux, trouble lié à l’usage d’une substance, trouble de la personnalité, etc.). Cette section vise à présenter les manifestations les plus fréquentes de troubles mentaux chez les parents pendant la période périnatale.
Un trouble lié à l’usage d’une substance est une comorbidité fréquente lorsque la santé mentale est altérée ou en présence de troubles mentaux. Vous pouvez consulter la fiche Substances psychoactives pour en savoir plus.
Troubles mentaux avant la grossesse
Une rencontre pré-grossesse est conseillée chez les femmes qui ont un diagnostic de trouble mental et qui envisagent une grossesse, afin d’évaluer les risques et bénéfices de la médication, les alternatives thérapeutiques et les possibilités de changements de dosage. Il est important d’éliminer certaines pathologies médicales, comme par exemple l’anémie, l’hypo/hyperthyroïdie et le diabète7. L’acide folique à plus fort dosage peut également être conseillé, selon la molécule utilisée. Une prise de contact entre le psychiatre et le médecin qui suivra la potentielle grossesse est parfois nécessaire afin d’évaluer la stabilité du trouble et les effets d’une grossesse sur celui-ci. Un suivi particulier pendant la grossesse peut parfois être recommandé quand une médication est prise, tout dépendant du trimestre d’exposition à cette médication (ex. : échographie cardiaque fœtale, suivi échographique particulier, suivi de paramètres sanguins chez la mère). Un suivi du nouveau-né peut également être mis en place lorsque la mère est sous certaines médications pendant son troisième trimestre, pour surveiller par exemple le risque de syndrome d’adaptation néonatale chez le nourrisson exposé aux antidépresseurs81,82.
Dépression
La dépression, ou trouble dépressif caractérisé, est un trouble de l’humeur qui se caractérise par une humeur triste, ou par une perte d’intérêt ou de plaisir généralisée, survenant presque tous les jours pendant au moins deux semaines, et qui empêche la personne d’accomplir certaines de ses activités quotidiennes ou entraîne une souffrance significative7,83,84.
Quelques statistiques chez la mère
Une étude canadienne rapporte une prévalence de la dépression de 14 % au début de la grossesse, de 10 % dans le troisième trimestre et de 8 % dans la période du post-partum85. La dépression post-partum apparaît généralement de deux semaines à six mois après la naissance, et sa prévalence varie selon les études, pouvant aller jusqu’à 20 %79,86,87.
Il est important d’être vigilant, de surveiller les signes de dépression et de proposer des ressources adéquates aux parents concernés, car même des symptômes mineurs peuvent avoir un effet négatif pour les parents, et pour l’enfant aussi. Les effets chez les enfants qui ont un parent en dépression peuvent s’observer dans son développement cognitif, comportemental et psychomoteur88. La prévalence des troubles dépressifs sévères en période périnatale demeure heureusement rare.
Quelques statistiques chez le père ou le partenaire
Les pères ou les partenaires peuvent aussi éprouver de la détresse psychologique lors de la grossesse ou après l’arrivée du bébé. Des études récentes indiquent la prévalence des symptômes de dépression chez environ de 8 % à 13 % des pères pendant la période prénatale et postnatale89,90.
Par contre, il est plutôt rare (environ 3 %) que les pères vivant de la détresse psychologique cherchent de l’aide et expriment leur besoin de soutien91,92. Cela montre l’importance de les inclure précocement, de préférence au même moment que la mère, dans le processus d’évaluation ou d’accompagnement, pour une meilleure prévention ou intervention plus efficace72,90,93. Poser des questions sur la qualité du sommeil peut être une première porte d’entrée pour détecter les problèmes des futurs pères90. Les faits suivants peuvent être associés au développement d’une dépression chez les pères : le manque de sommeil, la fatigue, une histoire personnelle de dépression, et la dépression de la partenaire pendant et après la grossesse94.
Il est en effet documenté que les hommes sont aussi à risque de souffrir de dépression. Les données sur la dépression paternelle varient grandement d’une étude à l’autre, selon la méthodologie retenue. Une méta-analyse américaine estime qu’environ 10 % des hommes vivent des symptômes de dépression lors de la période périnatale, et on observe que les symptômes atteignent leur maximum de 3 à 6 mois après la naissance du bébé95.
Symptômes de la dépression
Certains symptômes de la dépression sont les mêmes pour les femmes et les hommes96. La dépression (selon le DSM-5) inclut la présence d’au moins cinq des symptômes suivants pendant une durée de deux semaines, dont au moins un des symptômes doit être une humeur dépressive, ou une perte d’intérêt ou de plaisir, quasiment toute la journée et presque tous les jours7 :
- Humeur triste ou irritable;
- Perte d’intérêt pour les activités ou de plaisir pendant celles-ci;
- Diminution ou augmentation de l’appétit, ou augmentation ou diminution significative du poids en l’absence de régime;
- Insomnie ou hypersomnie;
- Agitation ou ralentissement psychomoteur;
- Fatigue ou perte d’énergie;
- Sentiment de dévalorisation, ou culpabilité excessive ou inappropriée (ex. : sentiment d’être une mauvaise mère, difficulté à développer un lien affectif avec le bébé);
- Difficultés de concentration ou indécision;
- Pensées de mort récurrentes, idées suicidaires récurrentes.
Dépression chez la femme pendant la période périnatale
Étant donné les similarités entre certaines expériences normales de la grossesse et certains symptômes dépressifs (ex. : fatigue, variations de l’appétit, sautes d’humeur, perturbation du sommeil, diminution de la libido), il est plus ardu de détecter une dépression chez une femme enceinte ou en post-partum97. D’où l’importance, en présence de symptômes préoccupants, de référer à un professionnel habilité qui procédera à une évaluation rigoureuse.
Il est utile de mesurer l’ampleur et l’impact des symptômes et d’identifier les situations préoccupantes, comme dans les cas suivants98,99 :
- Une variation de l’appétit avec un impact négatif sur la prise pondérale attendue pendant la grossesse. Que le poids gagné soit trop élevé ou pas assez, les deux situations peuvent avoir un effet négatif sur les issues de la grossesse, la santé de la mère et celle du bébé;
- Une perte de poids post-partum qui excède ce qui est attendu;
- Des troubles du sommeil liés à des facteurs externes (tels les éveils du nourrisson) ou à des ruminations négatives excessives.
Dans la littérature, il n’est pas clairement établi que la dépression post-partum a une présentation symptomatologique distincte des autres dépressions100,101. Cependant, en clinique, ces femmes peuvent rapporter des symptômes plus particuliers à la période périnatale, dont ceux-ci102,103 :
- La culpabilité excessive envers le bébé;
- L’impression d’avoir de la difficulté à développer un lien affectif avec le bébé;
- Le sentiment d’incompétence maternelle et de honte;
- L’anxiété excessive, l’irritabilité;
- Des perturbations lorsqu’elles portent l’enfant dans leurs bras (p. ex. : elles sont préoccupées par la façon de le tenir);
- Le sentiment d’ambivalence, de désintérêt envers l’enfant;
- L’absence de gestes maternels appropriés, une sensibilité maternelle affectée;
- La perturbation du lien affectif avec l’enfant;
- Le retrait social, l’isolement;
- Des pensées intrusives et des phobies d’impulsion (p. ex. : crainte de perdre le contrôle et de poser un geste qui serait dangereux pour soi ou les autres, comme échapper son bébé de façon volontaire ou involontaire). Ces phénomènes surviennent chez certaines femmes en post-partum, mais ne sont pas associés à un risque augmenté de violence104.
Dans des cas plus sévères, les symptômes suivants peuvent également être retrouvés :
- Idées suicidaires fréquentes, avec risque d’infanticide;
- Potentiel de symptômes psychotiques.
Dépression chez l’homme pendant la période périnatale
Les hommes peuvent manifester leur détresse psychologique de manière différente des femmes. La dépression chez la femme est souvent exprimée par des sentiments de tristesse et une grande émotivité, tandis qu’elle peut se manifester plutôt par de l’irritabilité et de l’agressivité chez l’homme96.
Dans notre société, l’image de « l’homme fort » est communément valorisée, et les problèmes d’ordre émotif sont parfois synonymes de faiblesse ou considérés comme une caractéristique féminine. Les hommes sont ainsi peu encouragés à exprimer leurs émotions et ont tendance à parler davantage de leurs symptômes physiques. Il arrive aussi qu’ils ne réalisent pas qu’ils souffrent d’une dépression105,106.
Les hommes sont généralement plus réticents à chercher de l’aide pour des problèmes de santé mentale; ces problèmes sont donc plus difficiles à repérer pour les professionnels de la santé et des services sociaux107.
Les professionnels sont encouragés à se montrer particulièrement sensibles aux manifestations de détresse spécifiques aux hommes; des comportements agressifs ou colériques peuvent être attribuables à une dépression nécessitant l’aide d’un professionnel habilité à évaluer les troubles mentaux96.
Chez les hommes, des symptômes de nature extériorisée sont le plus souvent observés. Les plus fréquents sont les suivants43,96,106,108–112 :
- Sautes d’humeur;
- Crises de colère ou de rage;
- Irritabilité ou agressivité;
- Faible capacité de contrôle des pulsions;
- Symptômes physiques (ex. : fatigue, maux de ventre, indigestion, maux de tête, difficulté à respirer, insomnie);
- Consommation excessive d’alcool ou de drogues;
- Comportements hyperactifs et agir varié (ex. : refuge dans le travail, le sport, les jeux de hasard ou d’autres activités pratiquées de manière intensive);
- Idées ou intentions suicidaires.
Bien que les hommes qui souffrent de dépression fassent moins de tentatives de suicide que les femmes, les méthodes qu’ils utilisent sont plus agressives et conséquemment plus létales.
Trouble de l’adaptation
Le trouble de l’adaptation est un trouble mental caractérisé par des symptômes émotionnels ou comportementaux en réponse à un ou plusieurs facteurs de stress identifiables. L’apparition des symptômes se produit dans les trois mois suivant la survenue du stresseur, et les symptômes ne perdurent pas plus de six mois après la disparition du facteur de stress, ou de ses conséquences. Le trouble de l’adaptation peut se chroniciser si le stresseur ou ses conséquences persistent7.
Le facteur de stress peut être unique (p. ex. : avoir un enfant malade, vivre un deuil périnatal), ou il peut s’agir de facteurs multiples (p. ex. : avoir un enfant, des problèmes financiers et des problèmes conjugaux). Les transitions de vie peuvent également constituer des facteurs de stress (p. ex. : quitter le domicile familial ou devenir parent)7.
Les symptômes sont considérés comme cliniquement significatifs lorsque la détresse éprouvée est hors de proportion par rapport au stresseur ou s’ils occasionnent une incapacité à maintenir un fonctionnement social, personnel ou professionnel. Toutefois, la perturbation ne doit pas répondre aux critères du trouble dépressif caractérisé ou d’un autre trouble mental7.
Les symptômes suivants, ou une combinaison de ces symptômes, peuvent être observés en présence d’un trouble de l’adaptation7 :
- Humeur dépressive (p. ex. : baisse de l’humeur, larmoiements ou sentiment de désespoir);
- Anxiété (p. ex. : nervosité, inquiétude au premier plan);
- Perturbation des conduites.
Trouble bipolaire
Le trouble bipolaire est un trouble de l’humeur caractérisé par des changements d’humeur incontrôlables. L’humeur de la personne qui en est atteinte oscille entre des épisodes de manie (dont les symptômes tels que l’élévation de l’humeur, l’agitation et l’insomnie doivent être présents pendant au moins une semaine) ou d’hypomanie (dont les symptômes durent moins d’une semaine et sont moins sévères que dans l’épisode de manie) et des épisodes de dépression (dont les symptômes doivent être présents pendant au moins deux semaines). La personne peut passer d’un état d’euphorie à une tristesse profonde au cours de quelques semaines ou quelques mois, sans qu’un événement particulier ait déclenché ce changement (113,114). La prévalence des troubles bipolaires au sein de la population générale est d’environ 1 à 2 %7.
Le trouble bipolaire peut se déclarer par un premier épisode en période périnatale ou être préalablement diagnostiqué115. L’évolution du trouble bipolaire pendant la grossesse n’est pas clairement établie, mais il a été démontré que les femmes déjà diagnostiquées qui cessent leur médication durant la grossesse montrent un risque élevé de rechute. En post-partum, le risque de récurrence de la maladie est significativement plus élevé que lors de la grossesse ou en dehors de la période périnatale. Environ 50-70 % des femmes atteintes de trouble bipolaire présenteront une perturbation de leur humeur en post-partum, et les symptômes se déclarent habituellement dans les 4 semaines suivant la naissance. En plus des changements hormonaux importants, la privation de sommeil, la perturbation du rythme circadien et les stresseurs liés à l’adaptation au rôle de parent pourraient contribuer à cette fragilité accrue116.
Troubles anxieux
Distinguer anxiété et trouble anxieux
L’anxiété est une réaction normale, que tout le monde peut ressentir face à diverses situations de la vie (ex. : une entrevue pour un nouvel emploi). Il est fréquent que les femmes ressentent de l’anxiété pendant la grossesse, par exemple après l’annonce de la grossesse ou à l’approche de l’accouchement. La présence de signes d’anxiété n’indique pas nécessairement la présence d’un trouble anxieux. Il est important de préciser que même si la symptomatologie n’est pas suffisante pour nécessiter un traitement médical, elle doit faire l’objet d’une discussion entre l’intervenant et le ou les parents afin de trouver des avenues possibles pour apaiser l’anxiété et sécuriser les parents117. Ces interventions font partie de la prévention des troubles mentaux76.
L’anxiété devient toutefois plus problématique lorsque la personne est envahie par les préoccupations ou par le stress. Lorsque l’anxiété génère des difficultés dans diverses sphères de fonctionnement et qu’elle entraîne une détresse, il est important de diriger la personne vers un professionnel habilité à évaluer les troubles mentaux, qui validera la présence d’un trouble anxieux afin d’offrir les traitements appropriés84,113.
Quelques statistiques
Pendant la grossesse, la prévalence des troubles anxieux serait d’environ 15 %, et elle serait semblable en période post-partum118. Cette prévalence varie considérablement selon les études et les méthodologies119. Il est fréquent que les personnes aux prises avec des troubles anxieux souffrent également de dépression. La présence de troubles anxieux pendant la grossesse augmente les risques de troubles anxieux ou de dépression en période post-partum11.
Certains chercheurs ont étudié les niveaux d’anxiété qui sont spécifiques à la grossesse et à la peur d’accoucher, et ont découvert que ce type d’anxiété prédisait33 :
- chez les nourrissons : plus d’affects négatifs;
- dans l’enfance : plus d’actes d’extériorisation (problèmes d’extériorisation), d’anxiété et de problèmes de déficit d’attention et d’hyperactivité.
De façon générale, tout trouble mental chez un parent peut avoir une influence sur le développement des enfants si le trouble modifie la disponibilité émotionnelle. Le développement des enfants peut donc être affecté par les troubles anxieux des parents120-123.
Peu d’études ont évalué la prévalence de l’anxiété chez les pères en période périnatale. Une étude récente démontre toutefois que l’anxiété serait plus fréquente que la dépression chez les hommes en période post-partum124. Dans cette étude, environ 4 % des pères présentaient un trouble anxieux spécifique, et 12 % présentaient un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse. Des données suggèrent que les partenaires d’hommes présentant un trouble anxieux en période périnatale sont environ deux fois plus à risque de présenter eux-mêmes un trouble anxieux ou une dépression.
Trouble d’anxiété généralisée
Le trouble d’anxiété généralisée (TAG) se caractérise par des soucis excessifs concernant le quotidien et par une difficulté à contrôler les préoccupations, accompagnés de symptômes physiques tels que de la fatigabilité, de l’agitation et une tension musculaire. Les inquiétudes excessives concernant plusieurs sphères de la vie doivent être présentes depuis au moins six mois, et occasionner un dysfonctionnement important ou une détresse importante7.
La prévalence du TAG chez les femmes en période périnatale serait de 4 à 5 %118, alors que chez les pères, une revue de la littérature rapporte des prévalences qui varient entre 4,1 % et 16,0 % pendant la période prénatale et entre 2,4 % et 18,0 % pendant la période postnatale93. L’augmentation de la vigilance du parent en période postnatale peut être adaptative : ainsi, la mère et le père demeurent à l’affût des besoins de l’enfant et s’assurent de sécuriser son environnement. Toutefois, pour certains, l’anxiété atteint une intensité qui nuit au bien-être et au fonctionnement, évoquant la possibilité d’un TAG. Il y a peu de données quant à la présentation clinique du TAG en période périnatale. En clinique, il est fréquent d’observer une tendance à s’inquiéter de façon excessive pour la santé et la sécurité du bébé et à avoir des préoccupations excessives quant à la planification des journées et des activités quotidiennes. Ces éléments peuvent nuire à la qualité du sommeil.
Trouble panique
Le trouble panique est caractérisé par des attaques de panique récurrentes et inattendues. Ces accès d’anxiété sont marqués par un sentiment de peur et des symptômes physiques tels que des tremblements, des palpitations, une sensation de souffle coupé, des étourdissements, un inconfort abdominal et des nausées49.
L’apparition ou l’aggravation d’un trouble panique en période périnatale doit faire l’objet d’une investigation physique pour éliminer la contribution d’une condition médicale à l’anxiété. En effet, les attaques de panique peuvent être la conséquence physiologique de conditions telles qu’une anémie, un trouble thyroïdien, une intoxication à une substance ou encore une consommation importante de caféine7. On estime la prévalence pendant la grossesse entre 1 et 9 %118.
Phobies spécifiques
Une phobie consiste en une peur persistante, anormale et irrationnelle d’une chose ou d’une situation spécifique qui amène la personne à l’éviter malgré la conscience et l’assurance que cela n’est pas dangereux. Cette peur est telle qu’elle occasionne une souffrance significative ou affecte le fonctionnement de la personne atteinte. Elle peut émerger pour la première fois ou s’intensifier en période périnatale125. Il est estimé que de 2 à 6 % des femmes présentent des phobies pendant la grossesse118. Les phobies peuvent avoir un impact sur le vécu de la période périnatale. Par exemple, certaines femmes qui présentent une phobie des vomissements (émétophobie) peuvent vivre difficilement les nausées plus présentes lors du premier trimestre. Les femmes ou les hommes présentant une phobie des aiguilles, des injections et du sang peuvent présenter une anxiété importante vis-à-vis des prélèvements et des interventions obstétricales126.
Enfin, la tocophobie, ou la peur intense et excessive de l’accouchement, peut apparaître chez une femme n’ayant jamais eu de grossesse ou chez une femme ayant eu dans le passé un accouchement compliqué et traumatisant. Les antécédents de vécu corporel insécurisant (comme une histoire d’abus physique ou sexuel ou encore une histoire de procédures médicales invasives durant l’enfance) peuvent favoriser l’expression de cette peur. Il est important d’identifier cette phobie afin de coordonner les interventions de l’équipe obstétricale et de l’équipe de santé mentale. Peu d’études ont été menées sur les traitements appropriés, mais l’intégration du suivi obstétrical et des soins en psychiatrie pourrait être aidant127.
Trouble obsessionnel-compulsif
Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) se caractérise par la présence d’obsessions ou de compulsions. Les obsessions sont des pensées (ex. : peur de la contamination), des images (ex. : des scènes violentes) ou des pulsions (ex. : envie de blesser quelqu’un) répétitives et récurrentes qui occasionnent une détresse importante. Les compulsions sont des comportements répétitifs (ex. : se laver les mains à répétition, ou vérifier à plusieurs reprises si les ronds du poêle sont éteints) que la personne se sent poussée à accomplir pour soulager l’anxiété associée aux obsessions ou dans l’idée d’éviter un malheur. Les obsessions et les compulsions occasionnent une détresse importante et une perte de temps significative7.
Pendant la période périnatale on observe une vulnérabilité accrue qui peut engendrer l’apparition ou l’exacerbation de symptômes obsessionnels-compulsifs. Les obsessions les plus fréquentes portent sur le thème du bien-être de l’enfant, en particulier la peur de lui faire du mal ou de le blesser de façon accidentelle ou intentionnelle. Ces craintes peuvent interférer avec la relation mère-enfant, en affectant le fonctionnement de la mère ou en altérant son comportement (ex. : une mère ayant des obsessions d’agressivité peut éviter son enfant par peur de le blesser)7.
La prévalence du TOC chez la femme en post-partum serait entre 4 et 11 %128,129. Une étude qui a questionné plus de 700 pères sur le TOC a trouvé une prévalence de 3,4 % pendant le 3e trimestre et de 1,8 % en période post-partum. Cette étude recommande une évaluation du père si la mère a un diagnostic de TOC, car il peut y avoir concordance dans un couple130.
Trouble de stress post-traumatique
Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) peut émerger après l’exposition à un ou plusieurs événements traumatiques. Il se caractérise par l’apparition de symptômes de quatre ordres, qui occasionnent une souffrance ou un dysfonctionnement significatif7 :
- Fait de revivre le traumatisme par des cauchemars, des pensées intrusives ou des flash-backs;
- Évitement persistant des indices rappelant le traumatisme;
- Présence de pensées et d’émotions négatives;
- Altération de l’éveil et de la réactivité se manifestant par exemple par de l’irritabilité, des sursauts et de l’hypervigilance.
Le TSPT peut être présent avant la grossesse ou émerger en période périnatale à la suite d’une expérience traumatique en lien ou non avec la grossesse et l’accouchement (p. ex. : un accident, un abus sexuel ou physique ou un désastre naturel, qui peuvent avoir eu lieu bien avant la conception). Les symptômes peuvent s’installer pendant la grossesse. Des événements liés à la grossesse tels qu’un diagnostic d’anomalie fœtale ou une complication de la grossesse peuvent également, dans certains cas, favoriser l’émergence d’un TSPT131-134.
Un accouchement traumatique ou difficile, pendant lequel la femme a craint pour sa vie ou celle de son enfant, peut mener à l’émergence d’un TSPT en période post-partum chez la femme et le ou la partenaire134.
Les femmes sont plus sensibles au trouble de stress post-traumatique (TSPT) que les hommes. Le TSPT pendant la grossesse est associé chez l’enfant à :
- un tempérament infantile plus difficile et un moins bon développement moteur;
- un moins bon développement cognitif et plus de problèmes de comportement.
Il est difficile de savoir si les associations entre les problèmes de santé mentale de la mère et les problèmes de développement de l’enfant sont dues à la transmission génétique de ces traits, ou spécifiquement à l’environnement intra-utérin.
On estime la prévalence du TSPT pendant la grossesse à 3 %. La prévalence du TSPT en période postnatale et liée à l’accouchement est estimée à 4 %. Le risque de développer un TSPT en période périnatale serait environ quatre fois plus élevé chez les femmes qui ont vécu une grossesse ou un accouchement compliqué ou qui ont des antécédents d’abus134. Un TSPT en période périnatale peut avoir des conséquences sur le fonctionnement de la mère et sa disponibilité pour l’enfant. Il peut par exemple mener à l’évitement de l’enfant, à des difficultés sexuelles et à l’évitement d’une future grossesse135. Une étude a trouvé que la probabilité que les pères développent un TSPT était 3,5 fois plus élevée par rapport aux mères. La même étude s’est aussi intéressée à la prévalence du TSPT entre les groupes de bébés prématurés et de bébés à terme. Pour les mères, il y avait significativement plus de TSPT dans le groupe des prématurés, mais ce n’était pas le cas pour les pères136. Il est important de référer les parents affectés vers les ressources appropriées.
Trouble psychotique bref avec début lors du post-partum
Le trouble psychotique bref avec début lors du post-partum est un trouble rare mais sévère, qui surviendrait environ de 0,25 à 0,6 fois par 1000 naissances. Les symptômes peuvent survenir durant les 4 dernières semaines de la grossesse ou rapidement après la naissance, soit en général entre la 3e et la 10e journée post-partum. Les premiers symptômes peuvent être de l’insomnie, des fluctuations d’humeur et de l’irritabilité. Par la suite, il est fréquent d’observer des symptômes dépressifs ou de manie, des idées délirantes sur le thème de la naissance, un comportement désorganisé, une certaine confusion et une certaine désorientation137.
Il s’agit du trouble mental le moins courant durant la période postnatale, mais le plus dangereux, tant pour la mère que pour le bébé, en raison des symptômes suivants :
- Idées de suicide et d’infanticide ou idées de se faire mal ou de faire mal au bébé;
- Perturbations de la perception (ex. : pertes de contact avec la réalité, hallucinations);
- Croyances inusitées ou inhabituelles et altération du jugement (p. ex. : idées délirantes ou paranoïaques, croyance que des personnes veulent faire du mal au bébé ou à soi, croyance que le bébé est persécuté ou mourant, qu’il présente des malformations ou qu’il a des pouvoirs spéciaux);
- Pensée désorganisée (p. ex. : problèmes de jugement, expression orale confuse ou rapide).
Si la mère présente ces symptômes, il est NÉCESSAIRE d’assurer la sécurité de l’enfant et de la mère, car la mère n’est pas en mesure de s’occuper du bébé ou d’elle-même. Ce trouble constitue une urgence médicale et requiert une hospitalisation de même qu’un traitement pharmacologique. Il peut être nécessaire de demander l’assistance des services ambulanciers.
Il est présumé que le trouble psychotique bref avec début lors du post-partum résulte de changements physiologiques chez la mère après l’accouchement (changements hormonaux, immunologiques et circadiens), qui pourraient provoquer la maladie chez les femmes génétiquement vulnérables. On estime que de 20 à 50 % des femmes présentant ce trouble auront un épisode isolé, alors que de 50 à 80 % risquent de présenter ultérieurement d’autres épisodes avec présence d’un trouble mental, souvent dans le spectre des troubles bipolaires137.
Schizophrénie
La schizophrénie est caractérisée par la présence, pendant au moins un mois, de deux symptômes parmi les suivants :
- idées délirantes;
- hallucinations;
- désorganisation du discours;
- désorganisation du comportement;
- symptômes négatifs (ex. : manque de motivation, discours pauvre).
Elle se manifeste également par une altération du fonctionnement de la personne dans au moins une sphère de la vie (ex. : le fonctionnement professionnel ou interpersonnel, ou encore l’hygiène personnelle). Les changements et les manifestations du trouble doivent être observés sur une période d’au moins six mois pour que l’on puisse conclure au diagnostic, et la majorité des patients demeurent chroniquement atteints. On estime qu’environ 1 % de la population est touchée par cette maladie7.
Chez les femmes atteintes de schizophrénie, environ 50 % des grossesses sont non planifiées ou non souhaitées138. Cela s’expliquerait entre autres par le fait que ces femmes adoptent plus de comportements sexuels à risque, sont plus souvent victimes d’agressions sexuelles et utilisent moins la contraception. Les femmes atteintes de schizophrénie présenteraient plus de risques de complications obstétricales139,140.
Les hallucinations, les délires, la désorganisation, mais également les symptômes négatifs tels que le manque de motivation, peuvent interférer avec la reconnaissance de la grossesse et des signes de travail, et avec l’observance au suivi obstétrical. Le manque d’autocritique fréquent face à leur condition peut également compliquer le suivi. Une condition particulièrement à risque est le déni psychotique de grossesse, qui peut amener les femmes à refuser le suivi obstétrical, à ne pas reconnaître le travail et à accoucher sans assistance140.
En post-partum, les femmes atteintes de schizophrénie sont à risque de voir leurs symptômes s’exacerber. Les symptômes de la maladie peuvent les amener à interpréter les comportements du bébé de façon délirante, et les symptômes négatifs peuvent altérer leur capacité à interpréter les besoins de l’enfant et à le stimuler suffisamment. L’impact de la maladie sur les capacités parentales peut dans certains cas mener à la perte de la garde de l’enfant139,140.
Les actions de prévention suivantes devraient être envisagées139 :
- Les risques et bénéfices du traitement pharmacologique doivent être considérés avec la femme enceinte et le réseau de soutien à chaque stade de la grossesse et en période postnatale;
- Une préoccupation doit aussi être accordée aux partenaires afin de bien évaluer la présence ou pas d’un trouble mental chez les partenaires ou les besoins de soutien;
- Les interventions de l’équipe de suivi en santé mentale devraient être coordonnées à celles de l’équipe obstétricale;
- Le réseau de soutien et les équipes de soutien psychosocial doivent être mobilisés pendant la grossesse et en post-partum pour soutenir la mère dans ses responsabilités parentales;
- L’évaluation des capacités parentales est souvent nécessaire pour assurer la sécurité de l’enfant.
Troubles des conduites alimentaires
Les troubles des conduites alimentaires (TCA) les plus fréquents sont l’anorexie mentale et la boulimie.
L’anorexie mentale se caractérise par une peur intense de prendre du poids et par une altération de la perception du poids et de la forme de son propre corps, qui amènent les personnes atteintes à restreindre leurs apports énergétiques. Ces personnes peuvent jeûner ou suivre des régimes, et parfois présenter des accès hyperphagiques auxquels elles peuvent réagir par l’utilisation de purgatifs ou d’autres méthodes compensatoires (ex. : exercice physique excessif). Les femmes présentant une anorexie mentale maintiennent un poids corporel inférieur à celui attendu pour leur âge, leur sexe et leur santé physique7.
La boulimie est caractérisée par la survenue récurrente d’accès hyperphagiques et de comportements compensatoires inappropriés pour prévenir la prise de poids, comme des vomissements provoqués ou l’utilisation de purgatifs. Ces comportements sont répétés et se présentent chez des femmes dont l’estime de soi est excessivement influencée par le poids7.
Les symptômes des TCA apparaissent en général à l’adolescence ou au début de l’âge adulte, période où les femmes sont en âge de procréer.
Malgré les problèmes de fertilité plus fréquents chez les femmes présentant un TCA, certaines deviendront tout de même enceintes. On estime que 1 % des femmes enceintes ont un diagnostic préalable de trouble alimentaire. Il est plus rare qu’un trouble alimentaire se déclare pendant la grossesse141.
Les femmes atteintes de TCA peuvent parfois mieux accepter leur poids pendant la grossesse, en considérant la prise pondérale comme saine dans ce contexte. La préoccupation de la femme pour la santé de son enfant peut également lui fournir une motivation nouvelle pour modifier ses propres comportements alimentaires. Des études ont d’ailleurs montré des taux de rémission substantiels des TCA pendant la grossesse.
Cependant, pour d’autres, les symptômes de TCA peuvent persister pendant la grossesse. Chez certaines de ces femmes, ce sont surtout les éléments anxieux qui persistent et qui dominent le tableau. Dans des cas moins fréquents, le TCA est associé à d’autres conditions comme des difficultés de régulation affective, ce qui peut compliquer la transition à la parentalité142,143. Les femmes qui restreignent leurs apports nutritionnels pendant la grossesse peuvent présenter un état nutritionnel sous-optimal, mettant à risque leur santé et celle de leur enfant. Par ailleurs, les femmes ayant recours aux purgatifs, aux diurétiques ou aux vomissements provoqués peuvent présenter des déséquilibres métaboliques et des états de déshydratation qui nécessitent une prise en charge, particulièrement pendant la grossesse. Notons que ces femmes sont davantage à risque d’avortement spontané, d’accouchement avant terme ou de recours à la césarienne, et que leurs enfants sont plus à risque de présenter un retard de croissance intra-utérin et des retards développementaux, possiblement liés aux déficits nutritionnels in utero. Ces femmes présenteraient également un plus grand risque de dépression postnatale144.
La période post-partum constitue par ailleurs une fenêtre de vulnérabilité accrue à la récurrence des symptômes chez les femmes connues pour un TCA présent avant la grossesse145. L’adaptation à la nouvelle réalité de mère, le niveau de stress accru, la perturbation du rythme du sommeil et de l’alimentation, ainsi que l’adaptation aux besoins de l’enfant, peuvent rendre le maintien d’une routine alimentaire stable chez la mère plus difficile et peuvent favoriser la récurrence des symptômes146.
Ces femmes bénéficient des interventions cohérentes d’une équipe multidisciplinaire incluant l’équipe obstétricale et la nutritionniste, et d’un un soutien psychologique ou psychiatrique141.
Trouble du déficit de l’attention
Le trouble du déficit de l’attention peut se présenter avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ce trouble est caractérisé par un mode persistant d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui interfère avec le fonctionnement ou le développement. L’inattention peut se manifester par de la distractibilité, des oublis, une difficulté à soutenir son attention et à persister dans les tâches. L’hyperactivité peut se manifester par de l’agitation et une certaine volubilité. L’impulsivité correspond à des actions précipitées sans réflexion préalable. Les manifestations du trouble doivent s’observer dans au moins deux milieux différents7. Le TDAH débute dans l’enfance, mais persiste chez l’adulte dans environ 60 % des cas. Il affecte 4,4 % des adultes147.
Il n’y a pas d’études systématiques ayant évalué l’évolution du TDAH pendant la grossesse et en post-partum. Il est possible que la période périnatale ait un impact sur l’évolution du trouble, considérant entre autres les changements hormonaux. Il est plausible que les femmes soient davantage distraites dans certains aspects de leur vie, alors qu’elles se concentrent davantage sur leur transition vers le rôle de mère. Par ailleurs, la décision de traiter le trouble est influencée par la grossesse et le souhait d’allaiter, qui amènent plusieurs femmes à vouloir éviter la médication148,149.
Les symptômes d’inattention peuvent altérer le fonctionnement au travail et la sécurité lors de la conduite automobile ou mener à des oublis (ex. : oubli des rendez-vous de suivi de grossesse). En post-partum, l’intégration des nouvelles responsabilités et l’altération de l’hygiène de vie peuvent accentuer les difficultés de fonctionnement associées au TDAH. Les mères ou les pères qui en sont atteints peuvent par exemple avoir de la difficulté à instaurer une routine de vie à la maison, oublier des rendez-vous ou avoir des difficultés conjugales à la suite de remarques impulsives147. De plus, lorsque la mère est atteinte d’un TDAH non traité et symptomatique, il peut incomber au père de surcompenser pour les déficits maternels, ce qui peut entraîner une source supplémentaire de stress pour le père.
La prise en charge des parents et plus particulièrement des femmes enceintes présentant un TDAH dépendra de la sévérité des symptômes, de la présence de comorbidités et de l’importance du dysfonctionnement associé. Des mesures non pharmacologiques, incluant différentes approches d’aide pour optimiser la concentration et l’organisation peuvent être suffisantes lorsque les symptômes sont légers. Des accommodements en milieu de travail peuvent être utiles pour les adultes. Toutefois, lorsque les symptômes sont plus marqués, il arrive qu’une médication soit nécessaire. Selon de récentes études, les médicaments pour traiter le TDAH ne sont pas des tératogènes majeurs pour les humains. L’innocuité pendant la grossesse n’est pas parfaitement établie, car il y a très peu d’études sur les effets neurodéveloppementaux à long terme. Il est donc préférable de cesser la médication pendant la grossesse. Toutefois, cette avenue thérapeutique peut être envisagée, mais elle nécessite une évaluation médicale. Si un traitement est nécessaire, le méthylphénidate, les amphétamines et le bupropion semblent être les meilleurs choix, car il y a plus de données sur l’absence d’effets indésirables pour ces médicaments149,150.
Trouble de personnalité limite
Un trouble de personnalité se définit par la présence de comportements et de sentiments rigides et durables entraînant un dysfonctionnement et/ou une souffrance7. Plus spécifiquement, le trouble de personnalité limite se caractérise par un mode de fonctionnement instable affectant l’image de soi, les émotions et les relations interpersonnelles. Les personnes atteintes d’un trouble de personnalité limite sont sensibles au rejet interpersonnel, craignent l’abandon des êtres aimés et présentent une instabilité de leurs humeurs et de leur estime de soi. Le trouble de personnalité limite peut mener à des comportements impulsifs ayant des conséquences autodestructrices (comportements sexuels à risque, abus de substances, etc.), dont des comportements automutilatoires ou suicidaires.
Le trouble de personnalité limite, généralement diagnostiqué au début de l’âge adulte, se retrouve chez environ 1,6 % de la population, affectant plus fréquemment les femmes que les hommes7. L’évolution du trouble sur 10 ans se caractérise par des taux de rémission élevés et des taux de rechute faibles, bien que des symptômes ou comportements affectant significativement le bien-être et le fonctionnement puissent persister151.
Le trouble de personnalité limite est fréquemment présent avec d’autres troubles mentaux (comorbidité), comme le trouble anxieux, la dépression et les troubles d’abus de substances152.
Les données concernant les conséquences obstétricales et parentales du trouble de personnalité limite sont moindres que pour la dépression. Néanmoins, une étude populationnelle a démontré que les mères ayant un trouble de personnalité limite sont plus à risque de conséquences obstétricales néfastes comme le diabète gestationnel, la rupture prématurée des membranes, l’accouchement par césarienne, la naissance avant terme, la thromboembolie veineuse et les infections 153. Parmi les facteurs de risque contribuant à cette augmentation, notons la consommation de substances (alcool, drogues, tabac) durant la grossesse, les comorbidités avec d’autres troubles mentaux et leurs traitements, l’association avec le stress et le manque de soutien social.
Concernant la parentalité, la dysrégulation émotionnelle et les difficultés interpersonnelles peuvent être des embûches à l’établissement d’une relation parent-enfant sécurisante. Les interactions parentales de ces mères sont plus souvent instables (variations rapides) et caractérisées par une plus grande intrusivité ainsi que par des difficultés dans le décodage des émotions de l’enfant154. Le risque de signalement aux instances de protection de la jeunesse est plus élevé pour les enfants de mères ayant un trouble de personnalité limite155, enfants qui sont eux-mêmes à risque de développer des difficultés sur le plan de l’attachement (ex. : attachement désorganisé) ou des troubles mentaux154. La parentalité chez les pères souffrant d’un trouble de personnalité limite est beaucoup moins étudiée, mais semble également être affectée par la présence du trouble156.
Enfin, le trouble de personnalité limite peut entraîner des problèmes conjugaux plus fréquents. Les personnes atteintes de ce trouble présentent moins de compétences pour la résolution de problèmes. Une détresse associée aux symptômes liés à ce trouble est aussi rapportée, ainsi qu’un soutien social moins présent157. Néanmoins, un diagnostic de trouble de personnalité n’entraîne pas automatiquement des difficultés parentales. La sensibilisation au comportement parental, l’amélioration des comportements d’attachement et les stratégies de régulation émotionnelle peuvent être des cibles d’intervention importantes154. Les lignes directrices australiennes sur la périnatalité recommandent que les femmes enceintes et les mères ayant un trouble de personnalité limite reçoivent, selon leurs besoins, des services pour promouvoir la relation parent-enfant ainsi que de la psychothérapie, et qu’elles se fassent enseigner des techniques de relaxation158. Quant à la pharmacothérapie, soulignons qu’elle n’est pas la première ligne de traitement pour le trouble de personnalité limite.